Le portrait d'un pape : un exemple parmi le peuple de Dieu (3)

(suite de l'interview du pape François)

Parmi les jésuites, des origines à aujourd'hui qui sont les jésuites qui ont marqué le pape François ?

"Pierre Favre, un savoyard, l'un des premiers compagnons de Saint Ignace avec François Xavier. Ce qui me marque dans la figure de Pierre Favre : le dialogue avec tous, même avec les plus lointains et les adversaires de la Compagnie ; la piété simple, une certaine ingénuité peut-être, la disponibilité immédiate, son discernement intérieur attentif, le fait d'être un homme de grandes et fortes décisions, capable en même temps d'être si doux... " Cette figure a été pour le pape un modèle de vie, conclue le Père Spadano.

Pensez-vous que votre expérience de gouvernement dans le passé puisse servir votre action actuelle de gouvernement de l'Eglise universelle ?

"Je n'ai pas toujours fait les consultations nécessaires. Et cela n'a pas été une bonne chose. Au départ, ma manière de gouverner comme jésuite comportait beaucoup de défauts. Je me suis retrouvé Provincial très jeune. J'avais 36 ans : une folie ! Cela étant, les gens se lassent de l'autoritarisme. Ma manière autoritaire et rapide de prendre des décisions m'a conduit à avoir de sérieux problèmes et à être accusé d'ultra-conservatisme. Mais je n'ai jamais été conservateur. C'est ma manière autoritaire de prendre des décisions qui a crée des problèmes. Je partage cette expérience de vie pour faire comprendre quels sont les dangers du gouvernement. Maintenant j'entends quelques personnes me dire " Ne consultez pas trop, décidez ! " Au contraire, je crois que la consultation est essentielle. Les Consistoires, les Synodes sont, par exemple des lieux importants pour rendre vraie et active cette consultation. Il est cependant nécessaire de les rendre moins rigides dans leur forme."

Je demeure sur le thème de l'Église et essaye de comprendre ce que signifie exactement pour le pape François le "sentir avec l'Église" dont parle Saint Ignace ?

Le pape répond sans hésitation :" L'image de l'Église qui me plaît est celle du peuple de Dieu, saint et fidèle. L'appartenance à un peuple a une forte valeur théologique : Dieu dans l'histoire du salut a sauvé un peuple. Il n'y a pas d'identité pleine et entière sans appartenance à un peuple. "Sentir avec l'Église" c'est pour moi, être au milieu de ce peuple. L'ensemble des fidèles est infaillible dans le croire, et il manifeste son infaillibilité à travers le sens surnaturel de le foi de tout le peuple en marche."   (fin de cette troisième partie de l'interview du pape François)

 Pierre Favre, sculpture, chapelle du Villaret, Saint Jean de Sixt - France

Je reviens sur la figure de Pierre Favre, qu'évoque le pape François. Ordonné prêtre en 1532, Pierre Favre part en Allemagne. Il fait alors un rapport à Ignace de Loyola sur le catholicisme en Allemagne. Il y décrit l'ignorance religieuse et l'immoralité des religieux qui sont pour lui les causes principales des progrès du protestantisme. La Compagnie de Jésus s'emploiera dès lors à instruire pour combattre l'ignorance et cela sur tous les continents. Elle sera également un pont entre les cultures, envoyant ses missionnaires aux quatre coins du monde, les jésuites s'appliqueront à apprendre les langues des peuples parmi lesquels ils vivront, comprendre et adopter  les cultures, ne s'interdisant aucun dialogue, à l'image de Pierre favre. Peut-être faut-il voir dans ce modèle pour le pape François, un parallèle avec la situation du nouvel évêque de Rome, confronté à des sociétés sécularisées , ignorantes de l'Évangile, confrontés au relativisme religieux et à l'indifférence, confrontés aux déviances de certains prêtres. Le pape François, en bon jésuite, n'a-t-il pas à nous instruire ? Mais n'est-ce pas ce qu'il fait, chaque jour dans ses homélies à Saint Marthe ou par ses tweets ? Mais pour François, évêque de Rome, c'est au peuple de Dieu, saint et fidèle qu'il revient la tâche d'enseigner, de dénoncer mais surtout d'accueillir.