CARITAS : au coeur de l'humanité à Casablanca
Photo : classes maternelles du SAM
A Casablanca, la Caritas offre un
havre aux migrantes : sous ce titre, le quotidien français La Croix met en lumière le travail du Service Action Migrantes (SAM), cet article éclaire le dernier message des évêques d'Afrique du Nord sur la situation des immigrés subsahariens.
Présente également à Rabat et à Tanger, la Caritas a repris à
Casablanca un accueil de jour réservé aux migrantes subsahariennes et
à leurs enfants.
Alors que le passage vers l’Europe est
toujours plus difficile, des salariés et des
bénévoles essaient de les aider à imaginer
un autre avenir.
Il est près de 16 heures et les enfants vont bientôt
s’ébrouer dans la petite cour du « SAM », le Service
accueil migrantes (1). Tout à côté, malgré le bruit et la
promiscuité des locaux, leurs mères achèvent leurs
cours d’anglais, de français ou de couture, ou tentent
de réunir, avec l’assistante sociale, les pièces de leur
dossier de régularisation. Chaque jour, dans ce service de la Caritas, hébergé par la
paroisse Saint-François de Casablanca, les « habituées » côtoient les nouvelles venues.
Venues du Cameroun, de Centrafrique, de Côte d’Ivoire ou de Guinée-Conakry, toutes
partagent le même fardeau : l’impossibilité de passer en Europe, depuis que celle-ci a
durci le contrôle de ses frontières, et donc un séjour – souvent illégal – qui se prolonge
au Maroc, dans des conditions à la limite de l’indicible…
Dans leurs récits, les conflits familiaux se mêlent à la pauvreté, aux violences et aux
espoirs déçus. Aminata Touré a « pris la route » après le décès de son second mari. Elle
avait déjà dû se remarier avec le frère du premier, et devait cette fois épouser leur père,
mais cette perspective continue à lui faire horreur. « Je préfère prendre du poison et
mourir », assure cette belle femme, sans nouvelle depuis trois ans de ses jumeaux et de
son bébé de 6 mois, tous laissés à son frère. Sa première tentative de traverser la
Méditerranée a tourné à la catastrophe : « Nous étions 56 dans un canot pneumatique.
Quand il a coulé, j’ai vu tous les autres mourir. Je me suis accrochée à une planche et
des pêcheurs m’ont récupérée le lendemain. Jamais je ne réessaierai. »
RESTER AU MAROC OU RENTRER AU PAYS
Comme beaucoup d’autres femmes venues de tous les pays d’Afrique, Aminata
découvre depuis deux ans la dure vie de migrante sans papiers, victimes de tous les
trafics et de tous les abus. Son avenir ? Elle ne l’envisage qu’avec angoisse : « Peut-être
vais-je demander à l’OMI (NDLR : l’Office des migrations internationales) de m’aider à
rentrer chez mon frère, en Centrafrique. Je prie Dieu qu’il m’aide à trouver une solution
d’ici à la fin de l’année… » Jacky, elle aussi, a laissé un fils de 8 mois en RD-Congo
quand elle a – comme toute sa délégation – profité d’une compétition sportive en Algérie
pour tenter la traversée. « Vu la situation dans mon pays, la famine, la guerre, je pensais
vivre mieux », résume cette ancienne spécialiste du 100 et 200 mètres. Une récente
ordonnance royale pourrait lui ouvrir la voie d’une régularisation. Mais, comme d’autres,
la jeune femme rechigne à envisager son avenir au Maroc, et par exemple à inscrire ses
fils de 5 ans et 2 ans à l’école marocaine, où « ils apprendraient l’arabe ». « Je vais
rentrer au pays. Ma famille sera déçue : sept ans pour rien… mais elle va m’accueillir »,
espère-t-elle.
Nigérienne d’origine, chargée de l’accueil au SAM, Sahiya enregistre à longueur de
journées les histoires et les besoins de ces femmes. « Certaines partent sans savoir les
difficultés qu’elles vont rencontrer en chemin, plusieurs se font violer en route, ou bien le
passeur a pris papiers et argent et a disparu », égrène la jeune femme, qui, lors de ses
visites à domicile, voit parfois « quatre mamans partager une même chambre avec leurs
enfants ». Certaines essaient d’être enceintes au moment de la traversée, pour obtenir
l’asile à l’arrivée, ou voyagent avec l’enfant d’une autre… « Parfois, en tant que soeur, je
leur dis qu’elles n’auraient jamais dû partir mais plutôt investir la somme que leur a
confiée leur famille dans un commerce. Et d’autres fois, je ne peux retenir mes larmes. »
« J’ADMIRE LEUR ESPÉRANCE »
Dans cet océan de détresse, le SAM a progressivement étendu ses propositions. Une
infirmière bénévole prodigue ses conseils et ses soins aux mères et à leurs enfants.
Quelques classes accueillent les enfants de maternelle et ceux qui arrivent en cours
d’année, et leur fournissent un repas par jour et un goûter. « Mais nous ne sommes pas
une école. Nous les incitons, dès que les enfants en ont l’âge, à rejoindre
l’enseignement marocain », insiste Fanny Curet, l’une des deux responsables du centre,
volontaire de la Délégation catholique pour la coopération (DCC). Depuis peu, une
assistante sociale marocaine, Bahija Sahsah, a rejoint l’équipe, relais précieux avec
l’administration marocaine. « Pour faire valoir ses droits, il faut connaître la langue, la
législation », reconnaît cette professionnelle qui a découvert la situation des migrants en
rejoignant le SAM et dénonce les « préjugés » des Marocains, quand d’autres n’hésitent
pas à parler de « racisme ».
« On essaie de faire quelque chose, mais c’est au compte-gouttes », soupire Soeur
Eliza. Cette franciscaine missionnaire de Marie est responsable du service éducation, et
à ce titre confrontée au problème numéro un : « l’assiduité » aux cours. Aujourd’hui, Élie,
arrivé en classe gravement brûlé le lundi avant d’être soigné à l’hôpital, n’est pas venu,
alors qu’il aurait fallu refaire son bandage. « Les mères ont tellement de problèmes,
l’éducation n’en est qu’un parmi d’autres, fait valoir cette soeur d’origine indienne. En
quoi est-ce leur faute s’il y a la guerre, la pauvreté dans leur pays ? J’admire leur
espérance. Elles voient la période actuelle comme transitoire. Pour elles, demain sera
forcément meilleur. »
Anne-Bénédicte Hoffner (envoyée à Casablanca)
(1) Créé en 2008 par le Jesuit refugee service, il vient d'être repris par la Caritas.
« Nous sommes cependant touchés par les situations dramatiques que subissent un grand nombre d’entre eux – poursuit le communiqué – par la violation fréquente de leurs droits mais aussi par le trafic dont ils sont victimes ». « Nous dénonçons le fait qu’ils soient considérés comme des délinquants, y compris par l’opinion publique » affirment les Evêques qui annoncent « vouloir être encore plus attentifs à l’exploitation toujours plus terrible des femmes et des enfants ».Selon le communiqué, les pays d’Afrique du Nord constituent désormais non seulement des terres de transit pour les migrants mais également des pays d’accueil au point que le Maroc le reconnaît officiellement. L’Eglise en Afrique du Nord entend œuvrer avec l’Eglise se trouvant dans les pays de provenance des migrants et celle des pays de destination afin de coordonner au mieux l’action pastorale les concernant.
Les Evêques rappellent enfin les conditions de sécurité précaires de la Libye, qui ont empêché la participation à l’Assemblée de la CERNA de Leurs Excellences NN.SS. Giovanni Innocenzo Martinelli et Sylvester Magro, respectivement Vicaires apostoliques de Tripoli et de Benghazi, ainsi que leurs Vicaires généraux.